« Il y avait l’odeur des brochettes, les gars des tables Coca-Cola qui la sifflaient : t’es belle petite, le bruit sur le terrain d’en face avec les chants du Raja, l’équipe de foot de Casa ; il y avait le vent frais de janvier, le tintement des canettes qui s’entrechoquaient, les insultes, les crachats ; et il y avait Driss, là, sur le côté. Elle le voyait, géant sur ses jambes courtes, une main tranquille sur l’épaule du flic, et l’autre fouillant sa poche pour lui glisser un petit billet de cent, sa bouche lançant quelques blagues entendues, un clin d’œil de temps en temps ; et le flic en face souriait, attrapait le billet, donnait à Driss une tape dans le dos, allez, prends une merguez, Sidi, ça me fait plaisir. Driss, le géant au milieu des pauvres, Driss le géant qu’elle venait d’embrasser, pensait Sarah ; avec son fric, il n’y aurait plus jamais de flic, plus jamais de lois — ce serait eux deux, la loi. »
Années 90, Casablanca. Sarah n’a rien et à la sortie du lycée, elle rencontre Driss, qui a tout ; elle décide de le séduire, elle veut l’épouser. Sa course vers lui, c’est un chemin à travers Casa et ses tensions : les riches qui prennent toute la place, les joints fumés au bord de leurs piscines, les prostituées qui avortent dans des arrière-boutiques, les murmures faussement scandalisés, les petites bonnes harcelées, et l’envie d’aller ailleurs. Mais ailleurs, c’est loin.
J'adore !
Une très belle histoire, où l'on suit deux personnages attachants, qui se forment et qui essayent de s'en sortir dans le Casablanca des années 90. Les descriptions sont travaillées, et les discussions essentielles. Je recommande énormément.
Un roman qui sonne juste , pas de concession , et une histoire touchante .
Sarah, L' héroïne de ce roman est un caractère complexe. C' est une adolescente française de 16 ans qui étudie au lycée français de Casablanca et habite dans une bidonville avec sa mère prostituée . Elle est sans un sou et n'a pas d'autres choix que d'utiliser sa séduction pour approcher les " bien nés" de Casablanca , ceux qui fréquentent son même lycée mais viennent à l'école avec leur chauffeur et habitent à Anfa à l'autre bout de la ville . C'est ainsi que l'histoire avec Driss démarre, il est le fils d'un entrepreneur "aussi riche que le roi du Maroc", ils disent, et Sarah est prête à tout pour sortir avec lui. Bien que les deux jeunes soient si différents ils vont progressivement se rapprocher et un sentiment difficile à définir va naitre entre eux. Le troisième personnage du Roman est la ville elle-même, on a l'impression de parcourir avec eux, à moto, les rues de Casablanca et d'en renifler les odeurs. J'ai énormément aimé ce roman . À travers la narration de l'histoire des deux jeunes il présente un aperçu de la société marocaine et, à demi-mots , presque ouvertement , il dénonce la condition féminine et les traditions barbares qui gouvernent encore la société.
L’auteur dépeint avec un certain humour la réalité sociale du Royaume : d’un côté des riches milliardaires inféodés au roi et de l’autres des misérables qui ne mangent pas à leur faim, vivent sans eau ni électricité, et dont les femmes subissent le droit de cuissage. Chaque caste reste dans sa prison en rêvant d'un ailleurs, là où les gens sont libres. Un style alerte, truffé de mots du cru rend le récit presque gai alors que le contexte est terriblement triste.