Bouche creusée (2018)

Cibot Valérie

« Votre corps dans la fosse tombe. Le son mat, à peine étouffé par les feuilles et le foin, un son qui porte et dit la masse malgré les contours brouillés. Est-ce qu’à ce moment-là je l’ai pensé ? Est-ce que, penchée à ma fenêtre, je me suis permis cette réflexion : ça y est, vous êtes à la place du compost, mêlé au potager, la chair et les os réduits à l’organique, recyclé avant d’être enterré ? »

Un homme mange la terre de son jardin sous le regard de ses voisins qui l’épient derrière leurs rideaux. Nous sommes dans un village de montagne quelque part en France. L’homme est un apiculteur que le poison de la rumeur a détruit. Sa trop grande proximité avec un jeune étranger a alimenté les commérages jusqu’à l’hystérie. À sa fenêtre, qui l’observe, la narratrice va remonter le fil de l’histoire, cherchant à comprendre comment et pourquoi le village en est arrivé là. Comment le soupçon s’est-il nourri, comment a-t-il enflé, pour exploser enfin dans un déchaînement de violence ?

Dans une narration à rebours, perverse, pleine de faux-semblants, Valérie Cibot démonte les mécanismes de la rumeur, de sa cruauté naïve, de son implacable écrasement. Car si la rumeur dévaste ceux qui la subissent, elle déchire aussi ceux qui la propagent.

Bouche creusée est un premier roman aux ressorts diaboliques et à l’écriture puissante, terrienne, poétique, drôle aussi, parfois.

A propos de l'auteur :

Cibot Valérie :

Née en 1980, Valérie Cibot est journaliste et diplômée de l’EHESS. Elle vit et travaille en Ardèche. Bouche creusée est son premier roman.

La maison d'édition :

Inculte :

Les éditions sont nées en 2004 autour d’un collectif d’écrivains, traducteurs et philosophes, qui se sont regroupés afin d’éditer la revue inculte : Bruce Bégout, Arno Bertina, Alexandre Civico, Claro, Mathias Énard, Hélène Gaudy, Maylis de Kerangal, Mathieu Larnaudie, Stéphane Legrand, Charles Recoursé, Nicolas Richard, Oliver Rohe et Jérôme Schmidt.

4|5
4 avis
5 Commentaires
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  • Brigitte Wallon
    4 octobre 2018

    Un homme creuse la terre de son jardin et la mange. La narratrice et de nombreux voisins observent cette scène invraisemblable. Cet homme vit un drame suite à une rumeur propagée dans le village. Mais qui est à l'origine de cette rumeur ? Ou a-t-elle débutée? Dans la rue, sur le marché, chez la coiffeuse ? Que pense la narratrice de tout cela ? Serait-elle un peu responsable, ou simplement témoin ? L'écriture est forte, avec parfois un peu d'humour (noir ?). Lorsqu'elle insiste afin que le lecteur comprenne bien la gravité ou l'importance des mots, elle aligne les synonymes, pour convaincre, comme si elle enfonçait dans nos esprits une idée avec un marteau. La fin de ce drame nous sera révélée avec un peu de honte, mais finalement le poids de la honte devient plus léger, il faut bien passer à autre chose.... J'ai beaucoup aimé ce roman, et espère retrouver cet auteur très prochainement.

  • D.ma
    4 octobre 2018

    Je me retrouve dans le commentaire précédent .Voici un roman qui gratte et qui fait du bien . une écriture intranquille (je ne sais si ça se dit) mais qui explore le langage et nous secoue.

  • Elodie Borsa
    7 novembre 2018

    Un roman très réussi. Si les mots peuvent changer le cours d'une vie, l'auteure ne sait que trop bien s'en servir pour illustrer les ravages d'une rumeur assassine. L'atmosphère terreuse (car on la sent la terre, on la mange presque !) rend particulièrement vivant ce roman à l'écriture si maitrisée.

  • 32254
    14 novembre 2018

    J’ai adoré le livre de Valérie Cibot qui, via une introspection exceptionnelle, nous emporte au sein d’une rumeur en plein galop dans un petit village de montagne. Elle décrit la solitude omniprésente et la rogne, la colère, la folie qui gagne les voisins et amis sur fond de vengeance destructrice. Intriguée par le 1er chapitre, l’auteur m’a totalement embarquée dans l’histoire, d’abord comme spectatrice attentive aux conséquences puis comme confidente, décrivant avec talent ces évidences que seuls les mots posés révèlent ici au café, là chez le coiffeur, ou bien entre voisins et amis. De la peur à la vérité, une situation qui échappe à tout contrôle.. C’est un livre magnifiquement bien écrit, aux mots ronds et riches qui glissent en bouche avec beaucoup de rythme.. Touchée par l'écriture de Valérie Cibot qui boucle la boucle de la rumeur avec talent, on ne sort pas indemne de cette lecture. Tous concernés, à lire et à recommander.

  • Paola - Groupe Esprit Livre - Turin
    19 décembre 2018

    Vu le sujet très intéressant annoncé par la quatrième de couverture – comment une rumeur naît, enfle, s’alimente et blesse dans un petit village - j’ai commencé la lecture de ce roman avec délectation. Eh bien, non. Déception totale. Après une lecture pénible, je crois avoir à peu près compris l’histoire (un apiculteur avale de la terre jusqu’à en mourir, à cause d’un ragot fielleux répandu par sa maîtresse éconduite) mais le style laborieux et le langage adoptés par l’auteur m’ont ôté toute envie d’en suivre les détails. Je sais, ce type d’écriture - haché, répétitif, obsessionnel - est très contemporain, à la page. N’empêche, pour moi reste néanmoins illisible, désolée.