Paris, rue d’Austerlitz, 1979. A l’Hôtel de Bourgogne, la vie s’écoule, rythmée par les allées et venues des clients, des voisins, des employées : M. Boulanger, occupant à vie de l’hôtel, Maria, femme de chambre épouse d’un braqueur, les filles qui tapinent au coin de la rue, Jacky, barman au célèbre cabaret de travestis Chez Michou…
Complexée par son poids, colérique, Annick tient comme elle peut son hôtel et son mari, Gérard, une brute alcoolique et raciste qui baise tout ce qui bouge. Sans oublier ses enfants, Rémi et puis l’aîné, qu’elle surnomme Jean de la Lune. Celui-là n’est pas le fils espéré, toujours ailleurs, pas dans les clous, ce garçon qui rêve de devenir majorette…
Un mercredi de septembre, à l’heure du déjeuner, la police embarque la patronne pour proxénétisme. Il voit sa mère monter dans le panier à salade. C’est le déclic. La fin de l’enfance. Son père, devenu groupie de Jean-Marie Le Pen, le fils le hait si fort qu’il souhaite et planifie sa mort.
Comment faire lorsqu’on découvre que l’on n’est pas dans la norme virile imposée et qu’au même moment l’homosexualité devient synonyme du « cancer gay », le sida ? Comment affronter l’homophobie de l’époque ? Comment se construire quand on ne se demande pas ce que sera sa vie, mais à quoi ressemblera sa mort ?
La peinture émouvante et terrible d’une période charnière, dont les drames croisent ceux d’une adolescence pas comme les autres. Et une bouleversante voix d’enfant, sa mue poignante et, malgré tout, vitale.
La soufferte prise de conscience de la part d’un adolescent de son homosexualité dans les années 80, lors de l’éclatement du SIDA. Cette histoire, évoluant entre le XII et l’XI, est aussi un portrait de la vie des petits villages qu’étaient encore à l’époque les arrondissements populaires de Paris. Les personnages sont tous attachants et on participe avec empathie à leur soucis et faiblesses. Un roman très agréable avec un final surprise.
Un roman d’apprentissage, mais c’est un apprentissage particulièrement douloureux : celui d’un garçon entre 11 et 16 ans, qui peu à peu se rend compte d’être gay, et donc étranger à un monde et à un Pays dans lequel, jusqu’au juillet 1982, l’homosexualité était un crime, et dans lequel le spectre de cette nouvelle peste appelée SIDA rend sa perspective de vie encore plus angoissante. La description du milieu dans lequel Philippe vit est précise et alerte, malgré quelques épisodes pas entièrement convaincants (voir p.ex. le rapport avec le jeune allemand); mais surtout ce roman nous donne une idée très claire du drame que vivent, encore aujourd’hui, les personnes homosexuelles. C’est un livre que tant d’homophobes imbéciles devraient lire (mais, malheureusement, ils ne le liront pas!), qui donne aussi bien matière à réflexion à ceux qui ne le sont pas.