« Elle reproche aux habitants de l’immeuble de l’espionner. Elle révèle des matières. Elle fait surgir des formes. Elle façonne des idées. Elle se fait tout voler. […] Elle doit fuir. Elle retournera à Paris. Elle y a des amis. Elle part pour la Suisse. Elle est arrêtée à la frontière. Elle n’a pas de papiers. […] Elle est de retour à New York. Elle danse. Elle parle. Elle choque. Elle a dû écourter son programme. Elle fait le bilan. Elle a perdu beaucoup d’argent. […] Elle soupçonne quelque chose. Elle ne lui fait pas confiance. Elle se méfie de cette Mary. Elle tourne autour de John. Elle lui plaît. Elle n’est pas la seule. ». Derrière ce « Elle » à identités multiples se cachent treize destins de femmes ayant marqué l’imaginaire du XXesiècle. Les vies de ces célébrités anonymes, saisies au plus près de leur quotidien, se chevauchent en une biographie sans temps mort qui réinvente l’épopée de notre modernité.
Seules les premières pages de ce roman sont à découvrir, l’éditeur n’a pas souhaité nous le confier dans son intégralité
La maison d'édition :
Les Éditions Verticales, créées par Bernard Wallet en 1997 (rejoint par Yves Pagès l’année suivante, puis par Jeanne Guyon en 2000), intègrent le groupe Gallimard en 2005 après avoir quitté les Éditions du Seuil. Elles se présentent comme un «centre de ralliement des divergences», se concentrant essentiellement sur la fiction…
Il ne s’agit pas d’un roman, c’est plutôt une suite de biographies de treize femmes célèbres ( parmi lesquelles Mata Hari, Isadora Duncan , Virginia Woolf , Marilyn Monroe et Princesse Diana) qui se situent de la Première Guerre mondiale jusqu’ à nos jours. J’ai trouvé géniale l’idée de ne pas séparer les histoires de ces personnages mais de les fondre les unes dans les autres, sans solution de continuité entre la fin de la précédente et le début de la suivante. Le résultat est un récit se déroulant comme si la femme était une seule, condensée et idéalisée . Elle/elles observe/ent le monde d’un point de vue qui change avec les époques mais qui est toujours féminin et anticonformiste. Il faut dire que l’écriture est très particulière car toutes les phrases commencent par « Elle » ou « Elles » plus verbe plus objet , ce qui donne une forme extrêmement figée. Cette exaspérante succession d’ « elle/elles » caractérisant toutes les phrases, prive le texte de mouvement et de vivacité. Je ne crois pas que l’auteur cherche de reproduire l’écriture sous contrainte (comme Perec, par exemple), au contraire il paraît qu’il recherche la simplification, la neutralité et peut-être même la banalité de la forme opposée au son et au sens de la phrase. J'ai un peu hésité avant de commenter négativement ce livre car je sens qu'il y a là une intuition . Dans l’espoir de comprendre, de trouver une justification, un but à cette forme d’écriture si troublante, si dérangeante parfois (au point que j’ai survécu seulement aux premières quatre aux cinq femmes et je pense que beaucoup de lecteurs auront autant du mal à arriver jusqu’au bout) je l’ai cherchée tout au long des pages….mais je ne l’ai pas trouvée.
Je ne suis pas tout d'accord avec le point de vue de Massimo . Ce roman est d'abord tre agreable à lire car il transforme son lecteur en enquêteur . De qui parle -t-on ? Camille Claudel ? Mata Hari ? Rosa Luxembourg ?... ( pour les autres à vous de les trouver ) . "Elle" permet une traversée du 20 éme siècle grâce au ces portraits bien vivants de femmes. C'est brillant intelligent et vivifiant ! Bonne lecture et bonne enquête !
Anne-James Chaton balaie un siècle à travers l'itinéraire de vie de plusieurs femmes, sans les nommer ouvertement, mais en décrivant en quoi chacune d"elles" dans leur domaine a fait avancer notre monde. "Elle" est Camille Claudel, "elle" est Mata Hari, "elle" est Virginia Woolf, Marilyn Monroe, Janis Joplin, Margareth Thatcher... Le parti pris stylistique est initialement déroutant, mais on se laisse vite embarquer par le plaisir de suivre ces trajectoires de vie au féminin. Un vrai coup de cœur!
Fiche critique- Anne-James Chaton- Elle regarde passer les gens Elle regarde passer les gens est construit autour d'un sujet, notamment la vie de douze femmes, qui incarnent la modernité et qui se déroule le long de douze chapitres. Écriture pauvre et percutante celle du roman, avec des phrases brèves d'un rythme répétitif qui oblige le lecteur de s'arrêter, toutes les phrases étant serrées les unes aux autres à travers le pronom féminin Elle. Une coupure celle-ci qui donne à la phrase un rythme serré et parfois dépaysant. Le pronom Elle en effet donne au texte une insolite fracture externe que nous signale qu'aucun pacte existe avec les lecteurs, car on y aperçoit la volonté de l'artiste-écrivain de ne donner aucune illusion au lecteur, le pronom Elle toujours là, donne le rythme à l'action. Un livre qui n'est pas à conseiller comme livre de chevet, cela serait comme écouter de la musique Techno, le soir avant de dormir, pour ceux qui déteste la Techno. Giusi - Esprit livre-Turin
Cinq étoiles. C'est un roman puissant et envoûtant. Anne-James Chaton porte un regard à la fois distancié et très intime sur des femmes devenues icônes pour certaines, sorcières à brûler pour d'autres, sans jamais les nommer autrement que par "Elle", sans jamais les juger, au plus près de leurs forces et de leurs failles. La poésie d'Anne James Chaton est musicale, charnelle, entêtante. Je découvre cet artiste avec ce livre, je vais maintenant guetter ses apparitions pour l'entendre, en particulier avec Heretic, très belle rencontre entre Chaton, Andy Moor (The Ex) et Thurston Moore (Sonic Youth).
Lire “Elle regarde passer les gens”, s’apparente à rejoindre un courant jet lors d’un vol long courier. À la grande vitesse et à l’altitude constante du vol, s’ajoute l’état planant que provoque la répétition des “elle” et des “elles”. Ce roman, construit avec la précision d’un métronome réglé sur allegro-allegretto, nous précipite dans un mille-feuille de situations hors du commun. Il nous raconte des vies de femmes qui ont existées. Elles sont romanesques, engagées, cultivées et libres. La lecture de leurs parcours fulgurants et souvent pleins de peines nous questionne sur notre capacité à résister aux normes. Dans les passages d’une “elle” à une autre “elle”, il arrive que le fil se courbe. Un trouble ? C’est normal car souvent en fuite elles se sont toutes frolées et frottées à la cruauté de la morale et au voyeurisme de masse.
“Elle regarde passer les gens” esquisse treize portraits de femmes qui ont marqué l’imagination du siècle passé. L’auteur les décrit dans leur quotidien. En lisant les premières pages, j’ai tout de suite pensé à la poésie “Liberté” de Paul Éluard, ensuite à la musicalité de Jacques Prévert mais cela était une autre mélodie. Les séquences de “Elle” m’ont fait passer de la musicalité des phrases , au déroutement et ensuite à la difficulté de lecture car les phrases courtes commencent toujours avec le même mot pendant 255 pages! Mais ne s’agissait-il pas d’un premier roman?
un peu déconcertant au début on apprivoise le mot ELLE qui devient une personne, une autre, une date, un objet avec le rythme de la pensée. Se croisent des histoires et l'Histoire et on reconnait en filigrane des personnages célèbres