Le Carré des Allemands : journal d’un autre (2016)

Richard Jacques

C’est un portrait double que dresse en cinq carnets brefs celui qui dit «je» dans cet étrange et envoûtant roman. Le fils parle de son père : «Qu’a-t-il fait à la guerre, Papa ? – Il s’est engagé à dix-sept ans. Il ne faut pas parler de ça.» Et à travers le père, le fils parle aussi de lui : «Tous les moi que je suis, enchâssés l’un dans l’autre depuis le tout premier.» Au fil de phrases courtes saisies entre des silences, s’écrit l’histoire d’un homme, ni pire ni meilleur que tant d’autres, happé par l’Histoire, entraîné à tuer sans savoir s’il a vraiment choisi. Ce «Journal d’un autre» pourrait bien être le «Journal de tous les autres» et ce n’est pas la moindre prouesse de ce livre dense et poignant.

A propos de l'auteur :

Richard Jacques :

Né à Bruxelles en 1951, de père français et de mère flamande, Jacques Richard a passé son enfance en Algérie. Il est devenu peintre après avoir fait en Belgique des études de musique et de peinture. Il a publié deux recueils de nouvelles et deux récits, dont Petit Traître, finaliste du Prix Rossel 2012 et Prix Franz de Wever de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

La maison d'édition :

La Différence :

Joaquim Vital, Marcel Paquet et Patrick Waldberg, rejoints par Colette Lambrichs, fondent en 1976 les Éditions de la Différence avec le but de centrer leur production éditoriale sur la littérature française et étrangère – en 1986 notamment, Joaquim Vital cherchera à faire connaître la littérature portugaise en France–, les essais,…

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1 avis
6 Commentaires
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  • Martine Gibelin
    21 décembre 2016

    Que devient-on quand le père disparu n'est pas le héros qu'on croyait? Un roman qui pose quelques bonnes questions ontologiques, court mais profond. Plongez!

  • Bernard
    3 janvier 2017

    j’ai été désarçonné par ce livre. Ce sont les pensées d’un homme à la dérive. Pas de développement du personnage. Son héritage l’écrase : un père SS.

  • Jean-Luc
    3 janvier 2017

    je me suis posé des questions. Est-ce que tous les SS fonctionnaient de la même manière ?

  • Carla Esprit Livre - Turin
    1 février 2017

    “Le Carré des Allemands” est un roman composé par cinq carnets dans lesquels un fils essaie de comprendre les raisons qui ont emmené le père à s’engager à 17 ans dans l’Armée Allemande. La phrase “Qu’a-t-il fait à la guerre, papa?” reviens avec insistance durant tout le livre. Page après page, comme un refrain, ressortent les sentiments de culpabilité, de l’absence du père et surtout de vouloir comprendre les causes du choix: tout ceci persécute l’âme du fils. Les phrases sont courtes, lancées comme pierres, pour une lapidation perpétuelle de la conscience du fils. Un livre déroutant qui a le courage de dévoiler une page d’histoire assez récente et surtout de briser l’hypocrisie de la guerre.

  • BA
    9 février 2017

    Livre dérangeant et percutant où le héros se questionne sur qui est son père, les pères , soit même. Quel rôle a t'il joué pendant la guerre ? et en découle un questionnement sur la part obscure, l'animalité, la jouissance à faire mal de chacun

  • tlivres
    22 mars 2017

    C’est un roman relativement court mais qui sait se faire une place dans la cour des grands ! Un homme part sur les traces de son père, sur fond de 2de guerre mondiale mais pas que. Il cherche à comprendre sa fuite, son histoire... Il est emprisonné par un secret de famille très bien gardé... "Nous sommes dans un jeu de miroirs, de fragments où personne ne se voit tout entier. Mais à tenir les autres à distance, c’est moi-même que j’enferme. Les autres sont mes barreaux." P 15 Il joue en permanence avec le « je », le « moi », « l’autre », les « autres », à chaque fois c’est tout un univers qu’il mobilise. Il aborde l’interculturalité dans toutes ses dimensions... "Etre un autre. Tous ceux que j’ai été, que je ne serai pas et tous ceux que je suis. Etre un autre. Etre Noir comme un roi, être Arabe par amour, Juif six millions de fois. Etre une femme qu’on aime ou une qu’on lapide, être un autre et connaître chacun de tous les autres à l’intérieur de moi, chacun de tous les moi à l’intérieur de l’autre." P 30 Dans cette prose, il y a le poids de l’absence, l’incommensurable vide laissé par celui qui n’est plus là ! "On ne sait pas ce que font ceux qui ne sont pas là. Moins encore ce qu’ils sont. Ceux qui vivent sous nos yeux, déjà, nous sont si mystérieux, tellement indéchiffrables. C’est sans doute cela qui nous les rend précieux." P 57 Et puis, il y a le pourquoi de la fuite, le fait que l’histoire de chacun contribue à la grande Histoire : "Le crime était collectif, mais chacun l’a commis seul. Chacun s’est trouvé tout seul avant, pendant et après. Tout seul avec ce qui s’est passé, tout seul devant l’horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. Histoire d’un criminel de guerre." P 89 Enfin, ce sentiment de culpabilité, de responsabilité des ascendants pour les actes commis par les générations passées... "On se tait moins de n’avoir rien à dire que de n’avoir pas les mots. Pas d’issue là non plus. Chaque jour un peu plus les mots nous font défaut. Je cherche les miens. Je n’en trouve pas pour dire que même si je n’ai rien fait je ne suis pas innocent. Un sentiment permanent d’être en tort sans savoir de quoi. Né dans une prison dont je suis le détenu et le gardien. Tous les autres sont les barreaux. Interdit de vie." P 103 Il faut dire que tout avait commencé avec cette citation de Madeleine NATANSON : « La souillure d’une génération atteint les survivants d’une marque de malheur et d’indicible culpabilité. » La boucle est bouclée et en beauté s’il vous plaît ! L’écriture, je dois bien l’avouer, est au début surprenante. Je pourrais même la qualifier d’exigeante ! Elle nécessite de se laisser lentement apprivoiser mais quand le lâcher-prise fait son oeuvre, ce roman devient un petit bijou de la littérature. Assurément, le nom de cet auteur est à conserver précieusement dans nos tablettes !