Le chien se rua sur la porte, que Tosca ouvrit juste à temps pour qu’il puisse filer vers l’escalier.
– Tâchez de faire en sorte qu’il ne pisse pas sur le paillasson du Régicide comme la semaine dernière, dit Evremont, alors que l’adolescente avait déjà un pied sur le palier : vous avez failli me brouiller avec ce pauvre Boucherie, vous savez ?
Tosca avait disparu ; comme chaque jour, il resta immobile près de la porte refermée, écoutant son pas décroître au fil des marches, puis le claquement du battant, en bas, et enfin le silence. Sitôt après, Charlus se mit à lui manquer, Tosca aussi ; il en conçut un vague agacement. Depuis quelque temps, il comprenait que quelque chose tentait de le ramener vers la terre. Il voyait s’éloigner la vie un peu flottante qui était la sienne, et qu’il aimait, entre deux airs, sans trop d’opinions ni de causes à défendre ; il ne souhaitait pas en changer. Il s’était habitué à regarder le monde comme on va au théâtre, les soirs où la pièce n’est pas assez bonne, ni suffisamment mauvaise, pour retenir l’attention. Mais des liens se formaient et s’enracinaient doucereusement ; il se sentait devenir ballon captif, alors qu’il était certain et satisfait d’avoir rompu une à une toutes ses amarres anciennes : voici que les amarres remontaient comme des lierres pour lui attraper les chevilles.
Seules les premières pages de ce roman sont à découvrir, l’éditeur n’a pas souhaité nous le confier dans son intégralité
La maison d'édition :
Selon la légende, tout aurait commencé lors de la Grande Guerre, lorsque le linguiste Joseph Vendryes, désireux d'emporter dans son paquetage une édition critique d'Homère, ne put mettre la main que sur des éditions allemandes. À la fin de la guerre était créée l'association Guillaume Budé qui avait pour objectif…