Port-au-Prince. Une famille négocie sa survie au jour le jour : il est maître pelle sur un chantier ; elle est repasseuse chez les messieurs célibataires du quartier, n’hésitant pas à se donner à eux car sinon «la chaudière ne monterait pas le feu». Cinq enfants. Leur fille aînée, Babette, adolescente, est leur seul espoir : elle a son brevet, et sa beauté leur offrira un gendre riche. Sa mère la rêve en Shakira.
Un certain M. Erickson se présente un jour, bien plus âgé qu’elle, généreux pour la famille qu’il installe dans une confortable maison. Mais qui est-il réellement, cet homme mystérieux aux trois maîtresses, vivant dans le luxe, entouré de gardes du corps ? Pourquoi métamorphose-t-il Babette en blonde au point que le quartier la nomme dorénavant la Barbie d’Erickson ? Sa mère constate, désolée : «Ma fille n’est plus ma fille». En «putanisant» Babette, ses parents semblent s’être engagés sur une voie aux multiples périls, dont ils pressentent avec effroi qu’elle est sans retour.
Dans Les brasseurs de la ville, épopée à travers les quartiers pauvres de Port-au-Prince, chaque personnage invente ses propres pas pour danser avec sa croix. Evains Wêche signe un talentueux premier roman qui met en lumière la lutte du peuple haïtien contre la déchéance et la mort, un peuple qui brasse la ville entre les bruits et les fureurs où s’entremêlent des histoires de courage, d’amour et de folie.
Ce roman est une grande fresque sociale de Haïti, l'auteur y parsème aussi des critiques sur la communauté internationale, les ONG, le traitement de l'information et évoque la corruption de l'état. Les brasseurs de la ville est un premier roman très réussi qui "brasse" le lecteur. J'ai aimé le style de narration choisi, l'auteur mêle les voix du père et de la mère sans prévenir le lecteur comme s'ils ne faisaient qu'un. J'ai aimé l'écriture très visuelle qui touche tous les sens avec des couleurs, des odeurs, des bruits à chaque page, même si je m'attendais à une écriture encore plus imagée. Un livre fort, une plongée dans la vie et les tourments du peuple haïtien bien réussie. Ma chronique complète sur mon blog : http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/04/les-brasseurs-de-la-ville-devains-weche.html
Ce livre reflète bien la misère en Haïti. L'écriture renforce encore l'impression de mouvement perpétuel, de "brassage"... C'est un sujet intéressant mais la lecture est parfois fastidieuse. C'est un livre qui ne laisse pas indifférent. Les Drôles de Dames (74)
Ce roman, c'est le portrait type des inégalités sociales. Nous partons pour Port au Prince en Haïti. A priori, la destination pourrait paraître séduisante mais c'est dans l'univers de la pauvreté que décide de nous plonger Evains WECHE. Un maître-pelle sur les chantiers et une couturière tentent de donner un avenir à leurs 5 enfants. Mais la vie est dure dans le bidonville. Le logement est trop petit pour loger chacun décemment, alors on oublie l'intimité. Les ventres sont vides, impossible que chacun puisse manger à sa faim. Et puis, il y a la ville avec les bruits incessants et tous ces brasseurs : "Celles des bus d'écoliers jaunes, fourre-tout où se jettent les passagers qui n'ont pas toujours de quoi payer le trajet ; des petits bus blancs ou gris où montent les fonctionnaires des bureaux et leurs enfants des beaux collèges ; des camionnettes, sortes d'anciens pick-up recréés par des fabricants de carrosseries en bois peint ; des tap-taps, version bus des camions Daihatsu, décorés par nos artistes fous de portraits de stars, et à bord desquels montent les jeunes désoeuvrés sans destination fixe, rêve d'être Messi, Sweet Micky, Shakira..." P. 11 Mais plus que tout, il y manque d'air. "Notre monnaie d'échange à Port-au-Prince, c'est l'air. Plus on en a, plus on est riche." P. 11 Alors, le destin des filles, des femmes, dans tout ça ? Quand il n'y a pas assez d'argent, la prostitution devient la solution, une fois de temps en temps ou bien à l'année pour satisfaire les désirs d'hommes riches qui consomment les filles comme des denrées périssables. Babette, l'aînée, mineure, va séduire un homme de cette trempe-là, pour le meilleur de la famille, ou pour le pire... Ce roman est très dur, qu'on se le dise. Le quotidien d'une famille pauvre y est décrit sans fioriture à l'image d'un récit de vie. C'est d'ailleurs peut-être ce qui lui donne cette puissance. Entre le roman et le récit de vie, mon coeur balance... et dans les 2 cas, il en ressort meurtri. Comment imaginer que cette vie soit possible ? que des femmes, des enfants, puissent vivre dans un tel environnement ? que les filles, les femmes soient à ce point maltraitées ? que les corps en soient réduits à un bien de consommation ? Quand ce ne sont pas les hommes, le sexe fort dans toute sa splendeur, qui sont le fléau, ce sont les femmes, elles-mêmes, à l'image de la Miss de l'hôpital, sans enfant, qui adopterait bien Lizzie. Mais la mère se défend : "Les enfants sont notre bien. C'est l'avenir de la famille. On ne les donne pas comme ça." P. 58 Comme s'il n'était pas suffisant de culpabiliser sur l'état de santé pitoyable de son enfant, cette mère doit en plus se battre pour le garder à ses côtés vaille que vaille et conserver un peu de sa dignité, aussi fragile soit-elle. Comment imaginer le futur dans ces conditions ? Les parents misent sur l'instruction de leurs enfants, le seul moyen selon eux de se sortir de la misère. Mais, rien n'est encore acquis ! "Il y a toujours la naissance. De quel côté de la vie as-tu poussé ton premier cri ? Voilà la différence. On n'a pas eu la chance d'avoir le CEP, toi et moi, on est logiquement pauvres." P. 151 Tout dans ce roman nourrit un sentiment de colère. Les inégalités sociales y sont si criantes ! Alors, quand je lis une phrase un brin humoristique : "T'as peur de l'altitude, c'est peut-être pour cela que nous sommes encore au bas de l'échelle sociale." P. 155 Je me laisse aller à un faible rictus. Il faut dire que des phrases comme ça, il n'y en a pas des dizaines, je crois même que c'est la seule, alors, savourez-la à sa juste valeur ! Un roman puissant !