« Je suis rentré dans le Bataclan les mains vides, comme cela, comme on entre dans un bistrot pour se réchauffer, l’oeil déposé, hagard, à la recherche du comptoir, d’un siège, du regard du serveur. Je suis rentré les mains vides, comme eux tous, comme vous tous, quelques heures auparavant. »
Que nous reste-t-il de ce qui s’est passé le 13 novembre 2015 dans une salle de spectacle parisienne nommée Bataclan ?
Et quelles résonances cet événement a-t-il éveillées dans notre mémoire ?
En parcourant une série d’images qui éclatent comme des flashs, comme les crépitements d’une arme à feu, et qui hantent les esprits de toute une génération, ce roman d’une grande sensibilité raconte les pensées qui jaillissent en nous quand le drame survient. Face à de telles violences qui nous laissent désarmés, il nous reste la faculté de convoquer les histoires, les contes de l’enfance, les figures, les symboles, les souvenirs à la fois subjectifs et communs auxquels elles nous renvoient. La silhouette d’un magicien britannique qui prétendait stopper les balles entre ses dents à l’époque de la première guerre mondiale, celle d’un philanthrope français du début du xxe siècle, qui rêvait un monde où les civilisations ne s’entrechoqueraient jamais, la résurgence d’un film de Méliès apparaissent : elles sont comme les mailles du tissu dont nos mémoires sont tramées.
Adrien Genoudet, en adressant son récit à Salah Abdeslam et en marchant à sa rencontre, tente de percer l’insondable mystère du passage à l’acte, et de ce qui nous en préserve. Avec pudeur et précision, son écriture, qui met en dialogue le langage et l’image, nous rappelle que, seules, les voies et les détours de la fiction nous permettent d’embrasser le présent quand la brutalité du réel nous submerge. Étreindre, non pour excuser, mais pour comprendre – pour reprendre vie.
La maison d'édition :
Les éditions sont nées en 2004 autour d’un collectif d’écrivains, traducteurs et philosophes, qui se sont regroupés afin d’éditer la revue inculte : Bruce Bégout, Arno Bertina, Alexandre Civico, Claro, Mathias Énard, Hélène Gaudy, Maylis de Kerangal, Mathieu Larnaudie, Stéphane Legrand, Charles Recoursé, Nicolas Richard, Oliver Rohe et Jérôme Schmidt.
Un roman « neuf » et pourtant! Adrien Genoudet est jeune et pétri de references culturelles humanistes. Il cherche à comprendre comment le bataclan a été possible . Il ne donnera pas de réponse si ce n’est celle de la littérature . Le lecteur bercé par le lac de Lamartiné dont les vers initient les chapitres déambule dans l’Histoire avec des photos signifiantes. L’exercice etait périlleux mais c’est avec virtuosité que l’artiste réalise son récit.