Perdre sa mère et ne rien sentir
Nuria vient de perdre sa mère. C’est Maja, sa grand-mère, qui l’a prévenue. Il était 3 heures du matin quand elle a reçu son appel. Nuria rentrait de boîte, un garçon qu’elle a ramené chez elle mais avec lequel elle ne couchera pas, dort sur son canapé. Ce soir, quand elle raccroche, elle reste de marbre. Pourquoi cette
carapace entre elle et le monde ?
Aux sources de l’indésir ?
Dans les jours qui suivent l’enterrement, la jeune fille part à la recherche de ceux qui ont partagé la vie de sa mère. Elle découvre une femme insaisissable, solaire et fragile, qui se donne et se rétracte. Nuria revient sur ses propres souvenirs d’enfance, toutes les promesses et les rendez-vous non tenus et ce mécanisme d’autodéfense qu’elle a développé en se coupant de ses sentiments. La femme décrite par les autres, la mère dont elle se souvient, renvoient la même image, déroutante, attirante et distante à la fois. Cet indésir dans lequel Nuria s’est enfermée depuis l’enfance est aussi celui de l’époque, dans l’ivresse des boîtes de nuit et les amours en ligne. Le garçon sur le canapé qui l’accompagne dans ses recherches, comme on se lance dans un jeu de piste, saura-t-il la toucher ?
Un talent impressionnant
Joséphine Tassy explore avec une grande finesse ce sentiment d’indésir tout en déployant une trame romanesque. Sa langue est inédite, elle ose, prend des libertés, fait claquer les mots et surprend par ses images fulgurantes.
La maison d'édition :
L’Iconoclaste s’est donné pour projet de mettre le livre au cœur de nos vies. Être Iconoclaste aujourd’hui, c’est choisir la beauté, le sens, une certaine qualité d’être, face au chaos du monde. C’est s’offrir le luxe de la perfection et de la maturation.
Le sujet est dérangeant. La narratrice apprend la mort de sa mère, qu’elle avait perdue de vue depuis des années, alors qu’elle vient de passer une nuit étrange avec un inconnu qui décide de s’incruster. Après la cérémonie au Père Lachaise, à laquelle elle se rend sans compassion aucune, les différents amis intimes de la mère prennent contact et cherchent à les rencontrer. Grâce à ces rencontres, cette jeune femme métisse qui vivait dans une bulle complètement hermétique, indifférente aux autres et à elle-même, s’ouvre à l’amitié, l’amour et la poésie. Pas aussi gentillet que cela ! Et très bien écrit.
Beau texte, dans lequel on plonge sans relever les yeux. Sujet dérangeant qui bouscule forcément un petit ou grand pan de chacun. Mais que de douleurs intimes, de pudeur dissimulée, de découvertes chaleureuses, tristes et quelquefois drôles des facettes de l’âme humaine... À lire absolument !
Lorsqu’elle apprend sa mort, en pleine nuit, Nuria n’a plus vu sa mère depuis 8 ans, Cette mère, qui ne l’a pas élevée, à qui elle ressemble tant, en un peu « plus colorée». Cette annonce, laisse Nouria insensible « Bouleversée Je déteste ce mot Boule verse boule versé eh ! et aujourd’hui boule verse rien pas même une larme » Accompagné d’Abel, sa rencontre du soir, pour ne pas être seule, Nuria va se rendre à l’enterrement de cette mère détestée. Nouria s’interroge : Comment peut elle détester sa mère, qui plus est morte ? A l’issue de cette cérémonie, Nouria va faire une succession de rencontres, amant, amis, famille, qui va l’amener à découvrir une femme aux multiples visages, chacun esquissant un visage inconnu et très différent, mère seule, triste, incapable d’aimer, femme séduisante et regrettée, femme croyante, mais surtout femme aimée. « Comment cette mère a pu se faire aimer de tant de gens et qu’elle n’ait jamais essayé de se faire aimer de sa fille ? » Nouria le découvrira-t-elle grâce à leurs souvenirs ? L’indésir, c’est celui d’une mère pour sa fille, d’une fille pour sa mère, mais au delà l’indésir de la vie. J’ai aimé cette fille insensible, qui s’ouvre à la vie, à l’amour grâce à Abel, ainsi que la galerie de personnages forts et fantasques. Nouria découvrira au bout du chemin que « Il y a cent raisons de crever et une seule de vivre, le désir » L’écriture est très moderne, incisive, parfois décalée, souvent caustique, mais aussi poétique. La forme du roman, mêlant prose et poésie, et la mise en page servent efficacement le récit. Un premier roman très réussi ! A lire