À l’extérieur, le bruit des tirs s’intensifie. Rassemblés dans la cour de l’école, les élèves attendent en larmes l’arrivée de leurs parents. La narratrice, six ans au début du roman, reste à l’écart. Elle ne pleure pas, se réjouit au contraire de retrouver avant la fin de la classe « son géant ». La main accrochée à
un de ses grands doigts, elle est convaincue de parvenir sans crainte à traverser le chaos.
Ne pas se plaindre, cacher sa peur, se taire, quitter à la hâte un appartement pour un autre tout aussi provisoire, l’enfant née à Beyrouth pendant la guerre civile s’y est tôt habituée. Même si son père s’efforce de la faire rire avec ses blagues et si, dans les coins de verdure qu’inlassablement il recrée à chaque déménagement, il l’initie à l’amour de ses plants de marjolaine, de jasmin ou d’origan, la petite fille précoce comprend vite que son pouvoir n’a rien de démesuré. Dans son pays ravagé, dans sa ville divisée, cet intellectuel, qui a le tort de n’être d’aucune faction, d’aucun parti, d’aucune appartenance religieuse, n’a à offrir que son angoisse, sa lucidité et son silence à ses enfants et à leur mère.
Sans lui, qui ne peut se résoudre à abandonner sa terre, la famille va s’exiler à Paris, alors que la narratrice a douze ans. Collégienne brillante, jeune fille en rupture de ban, puis jeune femme, elle non plus ne se sentira jamais d’aucun groupe, elle aussi continuera de trouver refuge auprès des arbres, des fleurs et de ses chères adventices, ces mauvaises herbes qu’elle se garde bien d’arracher. Du combat que ne cesseront de se livrer en elle la mémoire et l’oubli, l’auteure de ce beau premier roman de résistance intime rend un compte précis et bouleversant. Impossible pour elle de ne se souvenir que du légendaire cerisier de sa grand-mère… c’est avec une enfance en ruine qu’il lui faudra mener une bataille permanente.
Ici, la tendresse dit son nom dans une main que l’on serre ou dans un effluve de jasmin, comme autant de petites victoires quotidiennes sur un corps colonisé par le passé.
Un vrai coup de cœur pour ce roman à deux voix. Celle d’une enfant de 6 à 40 ans ( on reste tôujours l’enfant de ses parents) et celle du père, longtemps vu comme un géant rassurant . Le lecteur est replongé dans le Beyrouth des années 80 ,en guerre jusqu’a Aujourd’hui . Quand une boude au ventre ou une boule dans la gorge empêche de dire les douleurs et l’amour, la poésie, les plantes permettent de tisser les liens nécessaires à la vie. C’est un texte fort qui pourrait être joué au théâtre, des passages m’ont fait penser à un autre libanais exilé Wajdi Mouawad et même tant la langue est forte à Kertesch et son Kaddish pour un enfant qui ne naîtra pas ... A lire et à faire lire !
Dans un silence enveloppant dû à l’impossibilité de communiquer avec les mots, un roman profond, pudique, tendre et violent par la puissance des sentiments enracinés dans un passé ancré dans la guerre civile et l’exil, étouffés par l’amour réciproque, inconditionnel et irrationnel père/fille Magnifique écriture pleine et riche de sentiments, de couleurs, de parfums, de pardon, d’espoirs et d’accueil de la différence que sont les « mauvaises herbes » qui sèment les graines de vie de ceux qui osent fleurir là où le vent les emmène
Toute cette souffrance qui habite deux êtres si fusionnels est évoquée en profondeur avec beaucoup de sensibilité, de justesse, de lyrisme. C'est le récit choral d'un père et de sa fille, tous deux si ressemblants dans leur indépendance d'esprit et par les angoisses qui les envahissent mais qui ne parviennent pas à se dire leur attachement sinon qu'en parlant de plantes. Le texte est dense, voire touffu par moment, ce qui induit parfois quelques confusions sur le personnage évoqué.
Le livre commence au Liban. Il ne parle pas de la guerre au Liban. La guerre est en toile de fonds. Ce livre parle de la relation fusionnelle, très proche d’un père et d’une fille, tellement proche qu’il n’y a pas de paroles. La souffrance du père éclabousse la fille, mais elle l’admire, elle grandit dans cette relation.. Dima Abdallah raconte magnifiquement ce père qui venait la chercher à l’école quand il y avait des bombardements, et qu’elle suivait en s’accrochant à son doigt. Ce père, “hors sol”, tellement proche et tellement lointain, ne saisit pas ses peurs et ses frayeurs, il est envahi par les siennes propres. Et l’enfant cherche à le protéger. L’étincelle, ce sont les plantes en pots du balcon, la joie de les arroser et de s’en occuper avec lui. Ce sera l’écriture, il est poète. Elle part à Paris, avec sa mère et son frère, le père reste au Liban où il vivra une vie repliée sur lui . Elle continuera de se débattre pour trouver sa lumière. L'auteure fait des descriptions minutieuses de ces sensations d'être toujours en partance, de n'avoir rien, de n'appartenir à rien, de son désintérêt de l’école, de son attachement à Sandrine, son amie d’école en France. C’est un beau livre, qui ne peut pas se lire d’une traite. Il y a des passages magnifiques. C’est parfois un peu redondant, surtout dans la deuxième partie. Difficile à lire, à cause de la description de la souffrance et l’immersion dans cette souffrance. Belle qualité littéraire.
Roman autobiographique d’une relation fille/père qui commence quand la fille a 6 ans et se déroule sur 36 ans. Cette famille libanaise( les parents et deux enfants) vit à Beyrouth, dans les années 80 en pleine guerre civile. La famille s’exile à Paris sans le père qui reste au Liban quand la fille a 12 ans en 1989. C’est un roman sur la difficulté de communiquer et d’exprimer ses sentiments alors que l’amour est présent et que tous les deux(le père et sa fille) ont la facilité de l’écriture; le père lui transmet également l’amour des plantes. L’écriture est déroutante car le père et sa fille s’expriment tous les deux à la première personne et il faut parfois un certain temps pour savoir qui parle. L’auteure exprime des moments forts à travers la description de petits signes : la guerre civile en sentant la main de l’autre dans la sienne, faire l’anamnèse de sa vie en regardant défiler les valises à l’aéroport de Roissy… Comme une roue ou un mandala signifient le cercle, le recommencement, le roman se boucle par une scène finale qui rappelle celle du début : elle emmène sa fille à l’école tout comme son père l’accompagnait… Très forte capacité d’évocation poétique. (Note : 4,25)
Pas de noms, pas de prénoms, juste lui le père , juste elle la fille. Ils se racontent mutuellement, avec l’alternance des chapitres, dans une écriture ciselée puissante, où chaque mot est un diamant de justesse. Une très grande intensité dramatique, où peu à peu l’on découvre les démons des deux personnages. Omniprésentes, les herbes aromatiques semblent créer un pont qui retient nos deux personnages au delà du temps et des lieux . Un livre magnifique!!!