Meta Carpenter est camgirl. Assouvir les fantasmes d’hommes cachés derrière leurs écrans, c’est sa façon d’exister. Et si le plus souvent ses clients la dégoutent, c’est autant par la médiocrité de leurs requêtes sexuelles que pour leur misogynie idiote. Heureusement, les mercredis, elle officie avec Hafsia Dinur. Les deux jeunes femmes filment leurs ébats amoureux avec l’aide d’un drone domestique. A l’heure de la pornographie planétaire, leurs vidéos deviennent culte jusqu’au cauchemar.
Un seul homme trouve grâce aux yeux de Meta. Sous le pseudonyme de Corsaire-Satan, il observe la jeune fille et échange avec elle images et récits enragés sur la violence faite aux femmes. Une étrange relation amoureuse se noue, à laquelle se joint bientôt Hafsia. Tous trois ont en commun de savoir que le monde n’a jamais voulu d’eux, comme il n’a jamais voulu des femmes libres. Leurs conversations engagent Corsaire-Satan à dépeindre son enfance : il évoque ses deux mères, la biologique, fantôme obsédant, et l’adoptive, femme-bouclier avec laquelle il a partagé joies et complicité. Mais il se souvient aussi de son père d’accueil, haineux envers l’enfant parce qu’il n’avait pas la bonne couleur de peau, et d’un voisinage empreint de violence sociale et de racisme ordinaire…
Dans une langue ciselée, nerveuse et foisonnante, John Jefferson Selve explore avec ce trio magnifique une utopie amoureuse parfaite, il sonde aussi notre époque, et l’urgence à ne plus vivre sous le regard technique de l’autre. Seule solution pour s’extraire de l’aveuglement et voir à nouveau.
Roman à la fois lyrique et visionnaire, le livre qui explore le voyeurisme numérique ne s’appréhende pas facilement. Le récit, parfois déconcertant, se compose d'un mélange de souvenirs d'enfance et de combats pour la liberté - celle des femmes en particulier - et dénonce aussi l'emprise de regard et les gouffres de la technique. Bien décidés à faire sécession, les 3 personnages du livre tenteront de vivre une relation amoureuse hors normes.