Un frère et une soeur vivent reclus depuis des années dans leur grande demeure familiale, qu’ils ont baptisée Notre Château. Seule la visite hebdomadaire du frère à la librairie du centre-ville fait exception à leur isolement volontaire. C’est au cours de l’une de ces sorties rituelles qu’il aperçoit un jour, stupéfait, sa soeur dans un bus de la ligne 39. C’est inexplicable. Le cocon protecteur dans lequel ils se sont enfermés pendant vingt ans vacille. On pourrait penser à Shining de Kubrick. À The Others d’Amenábar. Ou encore à La Maison des feuilles de Danielewski. En reprenant à son compte l’héritage de la littérature gothique, Emmanuel Régniez écrit un roman précis et étrange, obsédant, qu’aucun lecteur ne peut oublier. « Je soigne ma mélancolie en me racontant des histoires qui pourraient me faire peur. »
La maison d'édition :
Lorsque, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on demanda à Francis Ponge pourquoi il avait préféré écrire sur une forêt (Le Carnet du bois des pins, éd. Mermod, 1947) au lieu de rédiger comme les autres poètes des manifestes sur la Liberté, il répondit, tranquillement, que son ambition était…
Un drôle de château, une maison aussi envoûtante que l'histoire de personnages hors du commun...ou peut-être très communs... N'hesitez pas à pousser la porte...
Je vais vous dire : le genre gothique n’est pas ma tasse de thé (sauf La Famille Addams, bien entendu !) donc je suis très mal placée pour donner un avis « neutre » sur ce roman. Je pense que chaque lecteur y verra une histoire différente, tant ce livre se prête à des interprétations personnelles, les contours de la situation n’étant pas bien définis. Moi, je dirais qu’il s’agit d’une histoire de fantômes (un ou deux, voire plus…) qui errent dans cette maison (ou est-ce une tombe ?) qu’ils appellent « Notre Château » Le narrateur est le fils d’un couple décédé dans un accident de voiture, qui habite (hante?) les lieux avec sa sœur cadette. La sœur ainée viendra leur rendre visite vers la fin du livre : est-elle la seule survivante de la fratrie ? En tout cas elle ne le sera plus… Je ne puis pas m’exprimer sur l’histoire, car je ne l’ai pas comprise. Mais, en ce qui concerne l’écriture, je l’ai trouvée lourde, les fréquentes répétitions n’arrangeant rien à l’affaire. Pour moi, c’est un livre sans intérêt, mais je pense que les passionnés de ce type de littérature sauront y trouver leur plaisir.
Plusieurs adjectifs me viennent à l'esprit au souvenir de la lecture de "Notre Château": Étonnant, épouvantable, énigmatique, troublant.... Ce que j'ai bien apprécié est le style d'écriture, ce sont les phrases et les mots redondantes et obsédantes à conduire le lecteur dans un état de suspense, toujours Balancé entre "différentes vies parallèles" sans besoin de trame ou d'introspection psychologique. Finalement le sujet du récit est l'histoire d'une enfance/jeunesse mal vécue et le protagoniste/narrateur un fantôme et la scène un Château irréel, peut-être un cercueil. Bonne lecture
roman gothique et comme Martine j'ai aimé pousser la porte vers cet étrange. L'écriture est envoûtante , elle fait oublier le réel ...
Un roman hallucinant ! Octave et Véra sont frère et sœur. Ils sont orphelins depuis une vingtaine d’années, leurs parents sont décédés dans un accident de la route. Depuis, ils vivent dans une demeure qu’ils appellent « Notre Château », bien légué à leur père. Octave et Véra y vivent reclus et passent leurs journées à lire, sauf le jeudi où là, un autre rituel se met en place. Alors que leur vie est réglée comme du papier à musique pourrait-on dire, voilà que survient un événement extraordinaire : « Le jeudi 31 mars à 14H32, j’ai vu ma sœur dans le bus n° 39 qui va de la Gare à la Cité des 3 Fontaines, en passant par l’Hôtel de Ville. Je vais tout de suite dire quelque chose : ma sœur ne prend jamais le bus, ma sœur ne va jamais en ville. » Il n’en faudra pas plus pour que le château de cartes ne s’écroule ! A l’image de cet extrait de la page 13, tout le roman tourne autour d’une organisation minutieusement paramétrée de la vie de ces 2 personnages que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Chronométré à la minute et composé de nombreuses répétitions au mot près, ce petit air maniaco-dépressif en fait assurément l’un des incontournables de cette sélection ! Ce roman, aussi court soit-il, n’en présente pas moins d’attrait. Tout d’abord, il a l’originalité de convoquer différentes disciplines artistiques : * La musique avec des extraits de partitions en introduction et conclusion, * La photographie avec les clichés réalisés par Thomas EAKINS (1844-1916) et présentés en fin de roman, Emmanuel REGNIEZ écrit d’ailleurs : « en finissant d’écrire Notre Château et ce fut comme une révélation » ! * La peinture avec une très belle définition je trouve de l’artiste de ce domaine : "Il faut beaucoup d’art et de compréhension de la nature pour être un peintre. […] Le vrai peintre possède une sorte de vision qui transforme ses modèles, ou qui fait surgir, du monde spectral dans lequel il vit, quelque chose d’équivalent à un décor véritable." P. 64 Et enfin la littérature. Et alors là, pour les doux et dingues de l’aventure des 68 premières fois, le sujet devrait faire écho avec quelques menus plaisirs du lecteur qui se cache en vous. Que pensez-vous de ce petit passage ? "Une maison qui contient beaucoup de livres est une maison ouverte au monde, est une maison qui laisse entrer le monde. Chaque livre qui entre est un fragment du monde extérieur et, tel un puzzle, quand nous posons ensuite le livre dans les rayons de Notre Bibliothèque, nous recomposons le monde, un monde à notre image, à notre pensée." P. 39 J’ai adoré le passage sur le choix des livres que réalise Véra et les termes employés : "Le mercredi soir, elle me prépare une liste de quatre ou cinq livres qu’elle désire, me dit-elle, ardemment lire. J’aime bien quand elle insiste sur le ardemment." P. 15 Je crois que l’adverbe « ardemment » est très bien choisi et révèle à quel point la tentation d’un livre peut être forte ! Je crois savoir que vous aussi vous souffrez de ce mal ! Ensuite, il s’agit d’un roman qui traite d’un sujet particulièrement sensible, celui du deuil. Et là, j’avoue que l’écrivain, Emmanuel REGNIEZ, le fait avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse. Il aborde notamment la question de la rupture liée à un accident et de ses conséquences sur ceux qui restent : "La vie avec nos parents était une vie faite d’éclats de rire, la vie avec nos parents était une vie insouciante, la vie avec nos parents était une vie comme on peut en rêver. Et le rêve s’est brisé net un jour avec ce terrible accident de voiture. Et de ce rêve nous portons la nostalgie ; comme si nous avions été chassés, Véra et moi, d’un vert paradis. Nous n’essayons pas de le recréer, nous savons que c’est impossible, nous n’essayons pas de le recréer, nous n’en avons pas la force." P. 84 Ce paragraphe m’a éclairée sur la démarche de l’écrivain en faisant le parallèle avec la phrase livrée, l’air de rien, en avant-propos : Je soigne ma nostalgie en me racontant des histoires qui pourraient me faire peur. Il aborde bien sûr le poids des souvenirs et cette impossibilité à s’en émanciper : "Ces souvenirs qui refusent de regagner leur rive. Ces souvenirs qui refusent d’être tranquillement là où ils devraient être. Ces souvenirs qui continuent à être si présents. […] J’aurais tellement voulu oublier, tout oublier. Faire une croix. Tracer un trait. Mais c’est impossible. Mais je n’y arrive pas." P. 110 Mais plus que tout, ce roman est construit autour d’une énigme qu’il convient d’élucider au plus vite. Je me suis prise au jeu et je ne l’ai lâché que tard dans la nuit, impossible de l’abandonner avant d’avoir atteint la page 141 ! Emmanuel REGNIEZ a beaucoup de talent. Le scénario est très bien construit, je pense qu’il ferait d’ailleurs un excellent film si j’en crois toutes les images que j’ai désormais en tête et qui risquent bien de m’accompagner longtemps… pour mon plus grand plaisir ! Un grand moment d’évasion au cœur de la littérature !